A l'occasion des 10 ans de l'Elektric Park (anciennement Inox Park), nous avons rencontré Joachim Garraud. Il est revenu sur les différentes évolutions qu'il a pu observer au fil des années dans son festival, ses nouveaux associés, mais également sur des souvenirs qui l'ont marqué. Notamment des anecdotes concernant Avicii, Skrillex et Eric Prydz !
On est avec le fondateur de l’Elektric Park, salut Joachim !
Joachim : "Salut French Crowd !"
C’est les 10 ans de l’Elektric Park aujourd’hui. Qu’est-ce que tu peux nous dire de l’état d’esprit de ce festival ?
Joachim : Alors l’esprit du festival n’a pas changé. C’était un petit festival et c’est devenu un grand festival parce que 10 ans, c’est quand même un âge de raison ! C’est donc l’anniversaire cette année. On cherche à maintenir un état d’esprit festif, de journée, avec plein de gens qui viennent écouter plein de styles de musique différents. Je suis content d’avoir gardé cet esprit de fête sans qu’on se soit trop embourgeoisé. Je suis content aussi d’avoir gardé cet esprit nature avec le côté bucolique du parc, le côté rendez-vous annuel aussi avec pleins de DJ que j’aime et plein de musiques différentes. Mais c’est surtout grâce à toute l’équipe qui m’entoure depuis 10 ans, parce que j’ai quand même la chance d’avoir des gens avec qui je travaille depuis la création du festival, que ça soit à la technique, à la production, à la réalisation, à la régie, tous ces gens-là qui sont vraiment nécessaire dans la réalisation de ce festival. C'est grâce à eux qu’on garde un esprit sympa je pense, je ne sais pas ce que vous en pensez, mais moi j’aime bien !
Et qu’est-ce que tu as pu voir comme évolution 10 ans sur ce festival ?
Joachim : Ce que j’ai vu comme évolution c’est qu’il y a 10 ans j’étais tous seul sur la musique électronique. En 2010 à Paris il y avait Solidays qui faisait un petit peu de DJ mais très très peu et depuis ça s’est beaucoup démocratisé. Il y a beaucoup de festivals qui font de la musique électronique aujourd'hui, ça nous a poussé à devenir plus imaginatif dans la programmation, le choix des artistes, le choix de la musique, mais aussi dans la production. Par exemple cette année je suis content d’être le premier à avoir des zones VIP directement sur la scène, c’est-à-dire que sur la Yellow stage tu as des zones en hauteurs pour que le public puisse bien admirer le DJ et je suis très content d’avoir mis ça en place. Je suis aussi content de voir qu’au niveau de l’évolution de la musique les gens prennent autant de plaisir d'aller écouter un artiste Trance, qu’un artiste Dubstep, qu’un Bass House, qu’un House, qu’un Techno. Réunir sur le même festival Boris Brejcha, Vitalic, Angerfist, Sam Feldt, Joachim Garraud, Norman Doray, Arno Cost pour moi c’est génial. Parce que c'est des types de musique qui prouvent que la jeune génération est peut-être plus ouverte d’esprit que nous on ne l’était et ça c’est une bonne chose.
Tu as des projets d’avenir pour l’EPK ? Par exemple faire passer le festival sur 2 jours ?
Joachim : Alors ça, c’est quelque chose dont on parle depuis plusieurs années. J’aimerais bien que la 10ème édition soit la dernière année avec une seule journée. Donc, qu’en année 11 on puisse avoir 2 jours. Mais il faut garder l’esprit du festival, il faut que je trouve des idées, je n’ai pas envie de diluer. Il faut que je trouve un truc complémentaire, on va voir ! Je cherche hein, si vous avez des idées, envoyez-les-moi !
On sait que tu as créé ton label il y a peu. Est-ce que ça pourrait être un projet de le mettre en avant grâce au festival ?
Joachim : C’est déjà un peu le cas parce que là, en ce moment, Thomas Muller est en train de mixer sur la Green Stage et c'est un artiste de UndGrdMusic qui est mon label de musique. C’est un label que j’ai lancé il y a un peu moins d’un an et qui m'a permis de découvrir de nouveaux talents. C’était histoire de mettre un peu le pied à l’étrier pour de nouveaux talents et la preuve parce que Thomas Muller est sur scène en ce moment ! Donc oui, c’est déjà le cas, j’utilise mon festival pour mettre en avant les nouveaux DJ. Il suffit d’aller voir par exemple la Black Stage cette année, tu as plein de nouveaux noms et c’est bien souvent la première fois que les DJ jouent en festival, c’est sur la Black Stage. Bon après y a des exceptions, je me rappelle que sur la 3ème année de l'Inox Park, en 2012, il y avait eu un jeune DJ américain qui s’appelle Skrillex et qui était pas du tout connu en France, qui était venu jouer et depuis … bah il est devenu un peu plus connu. Tout ça pour te dire que j’ai toujours orienté le festival, ou en tout cas une des scènes pour les nouveaux talents. Le label UndGrdMusic est pour moi l’opportunité de dénicher des nouveaux talents que je mets sur scène ici ensuite.
Et du coup, dédier une scène à ton label ça pourrait être une idée à l’avenir ou ce n’est pas du tout dans tes projets ?
Joachim : Ça pourrait être une idée quand le label sera plus fort., parce que je ne vais pas dédier une scène UndGrdMusic si c’est pour avoir 40 personnes qui dansent devant toute la journée. En revanche ça vaudra le coup quand j’aurais atteint une certaine maturité et la maturité, c’est quand tu as 2-3 artistes assez fort qui commencent à tourner à l’étranger. Je vais prendre un exemple, Dim Mak qui est le label de Steve Aoki, avant de faire une stage Dim Mak à Tomorrowland, il a fallu 5 ans pour faire grossir le label. Bah moi c’est pareil sur UndGrdMusic, on va le faire grossir petit à petit et le jour où on a 5-6 artistes confirmés on fait une scène UndGrdMusic à l’EPK. Mais il faut d’abord avoir cette maturité.
En termes de chiffre, un festival comme l’EPK on se doute que c’est des moyens humains et financiers énormes. Combien de temps ça prend de monter le festival ?
Joachim : Alors, la production du festival demande un an, c’est-à-dire que là on va travailler sur l’édition 2020 dès lundi prochain et après le montage/démontage physique des scènes c’est à peu près 10 jours. Alors il faut savoir que ce festival a une particularité et c’est pour ça que les gens m’ont pris pour un fou, je vais te le dire franchement c’est que monter 10 jours pour exploiter une journée, c’est de l’hérésie. C’est vrai que c’est limite de la folie parce que quand tu vois les autres festivals qui vont monter sur 10 jours comme Tomorrowland ils exploitent 2 x 3 jours. Moi j’exploite qu’une journée donc c’est vrai qu'il y a beaucoup de gens qui demandent quand est ce qu’on passe sur 2 jours. Parce que c’est vrai qu’il y a un calcul mathématique qui est : Combien de temps on met pour monter ? Et combien de temps on met pour amortir ? Donc voilà une bonne semaine de montage et une année de travail. Pour te dire là, cette année, on a presque 200 salariés et plus de 300 bénévoles donc c’est beaucoup beaucoup de monde.
Une grande famille !
Joachim : C’est une grande famille ouais !
Qu’est ce qui a changé depuis que vous vous êtes associés avec Allo Floride ?
Joachim : En 2018, je me suis associé avec deux partenaires. Tout d’abord avec un partenaire toulousain qui s’appelle Regarts, qui est associatif et qui connaît bien le milieu musical, la scène et la production d'événements. Je me suis associé ensuite avec la société de production Allo Floride qui est basé à Paris. Qu’est-ce que ça a changé ? Ça a changé en termes de programmation, parce que quand j’ai commencé ce festival en 2010, j’étais le seul sur l'électro comme je te l'ai dit. Quand tu vois la première édition : Martin Solveig, Bob Sinclar, Eric Prydz, c’était très EDM. En 10 ans, l’EDM a... je ne vais pas dire chuter, mais s’est énormément modifié et diversifié.
Pour moi faire entrer Allo Floride dans l’aventure c’était avoir un partenaire de qualité sur des musiques différentes et d’avoir des artistes d’autres univers musicaux un peu plus techno, un peu plus alternatif et puis c’était pour moi aussi important d’avoir un partenaire pour enclencher la vitesse supérieure. Parce que tout seul avec ma petite équipe ici à Chatou, ça devenait lourd à porter sur nos épaules. Avoir Allo Floride c’est avoir 20 salariés en plus. Avoir un partenaire à Toulouse, c’est avoir 20 salariés en plus, donc finalement avoir 40 salariés en plus ça change tout. En plus de ça cette année par exemple, on a mis en place un bateau, c’est la Croisière EPK. C’est un bateau qui est parti à 12h00 du quai de la Maison de la Radio, pendant 3h il remonte la Seine et il va arriver ici vers 15h00 avec une centaine de festivaliers. Donc faire ça tout seul ce n’était pas possible. Tous ces partenaires m’ont vraiment aidé à développer le festival.
Tu as parlé de Skrillex tout à l’heure, est-ce qu’il y a un artiste que tu rêves de faire venir ou revenir à EPK ?
Joachim : Oh je vais te dire Skrillex ahah. Nan il y en a un que j’aurais bien aimé faire revenir cette année pour les 10 ans mais ça n’a pas pu se faire, c'est Eric Prydz. Quand on a discuté on parlait de la production de son show 3D HOLO mais c’était très très lourd en production et difficile en plein air. Donc du coup Eric Prydz aurait été pour moi un super clin d’œil car il était là pour la première édition et qu'on s’était dit, allez, 10 ans après ! Mais malheureusement ce type de spectacle ça ne peut se faire que en intérieur et difficilement à l’extérieur. Je ne voulais pas faire de chapiteau, je voulais garder l’esprit de l'Elektric Park et du plein air, voilà.
Tu as un souvenir qui t’as particulièrement marqué sur les 10 dernières années ?
Joachim : Oh j’ai pleins de souvenirs mais je vais te donner un souvenir personnel. La première année en 2010 j’avais travaillé comme un chien pendant un an pour mettre en place le festival et j’en faisais la clôture. C’était la première fois que je jouais devant mes amis qui habitaient la région parisienne et ma famille. C’était la première fois que mes enfants me voyaient jouer. Mes enfants étaient assez jeunes et c’est la première fois qu’ils voyaient leur papa mixer. Ils me demandaient souvent : « Mais qu’est-ce que tu fais comme métier papa ? » Je suis DJ alors pour eux, c’est difficile à expliquer. Donc je leur ai dit « Bah écoutez, venez, Papa a organisé une fête, venez voir j’ai invité des amis. », et ils m’ont vu jouer sur scène, c’était vraiment très touchant pour moi parce que c’était sympa d’avoir mes enfants à côté de moi.
J’en garde un souvenir avec beaucoup d’émotions de cette première année. Je garde peut-être des souvenirs spécifiques, par exemple l’année où Avicii est venu pour la première fois dans un festival en France, il était dans les loges et il tremblait quoi, il avait peur... Je lui disais « Mais arrête, arrête ça va bien se passer », et il me disait « Oui mais j’ai peur », donc je lui réponds « Bon, tu vas commencer par quoi ? » et il me dit « Bah écoute, là j’ai fini un morceau, je pense que ça va bien fonctionner ». Ce morceau, c’était Levels et c’était la première fois qu’il le jouait en France. Il a ouvert le set avec et quand ça fait « tatalalalalala » je me suis dit ouaaaaah ! C’était énorme ! Donc voilà, ça, ce sont vraiment de bons souvenirs.
Et bien merci beaucoup !
Joachim : Merci à vous, et à la prochaine !